Face à la crise du Coronavirus, peu de secteurs sont épargnés. Les acteurs du milieu événementiel souffrent particulièrement de la situation. En effet, basés sur un système économique fragile, ces organisations sont plus que jamais vulnérables face à l’annulation ou le report de concerts. Nous sommes donc allés à la rencontre de ces professionnels en leur demandant comment ils arrivent à gérer cette situation critique.
Quel contexte pour les festivals ?
La mise en suspens de l’application des festivals va dépendre et varier en fonction de leur date. Restreints par la limitation d’événements de 1000 puis 100 personnes et de l’état de confinement, ils doivent s’adapter et proposer un report si cela est possible. C’est une épreuve que raconte Gaspard Degueurce, responsable communication du Marvellous Island Festival, prévu pour l’instant les 30-31 mai.
« On a plus ou moins la chance d’avoir vu la chose arriver, pas comme certains confrères qui ont du prendre des décisions très rapidement.
Par exemple, le festival Panoramas qui traditionnellement lance la saison des festivals, a dû tout de suite prendre la décision d’annuler, c’est très dur. Pour ce qui est de Marvellous on est donc à 2 mois et quelques jours de notre événement, on a quand même un peu de temps pour envisager les solutions, de négocier, parler avec les artistes… Mais en tout cas on y croît à fond. Si ce n’est pas possible de le faire aux dates initiales dans de bonnes conditions, on reportera. On veut mettre toutes les chances de notre côté pour faire une belle édition en mai ou bien alors reporter à juillet ou septembre.
Au moment où je te parle il n’y a pas d’annulation mais on sent bien que le confinement risque de se prolonger et qu’on pourrait reporter.
On essaie de se backup avec un éventuel report pour juillet ou septembre. Le mieux pour nous serait de faire ça en juillet étant donné que septembre c’est plus vraiment l’été et donc plus vraiment l’esprit de Marvellous. Et juin ça reste tendu je pense, le risque de l’annulation plane également… »

Gestion du lieu et des artistes
Reporter le festival en un temps record est un gros challenge. Gaspard nous explique quels points sont les plus importants à gérer.
« Il y a deux facteurs incompressibles, la disponibilité du lieu et des artistes. Pour la première, on a la chance de pouvoir reporter sur différents créneaux entre fin mai et mi-juillet, ce qui est vraiment rassurant pour nous. Comme je te disais on a également possibilité de le faire en septembre, à voir donc.
Concernant la disponibilité des artistes. Il faut trouver des nouvelles dates avec des artistes qui sont déjà en tournée toute l’année, surtout en période estivale. Il ne peuvent pas tous se dédoubler en juillet pour leur dates plus celles qu’ils devaient assurer en mars-avril-mai. Ça va être le gros travail du programmateur pour taper à toutes les portes et trouver des accords. Enfin, c’est toute la partie logistique qu’il faut refaire en dernière minute (réservation d’hôtels, d’avions, etc.) C’est un travail assez lourd car en temps normal on est une équipe de 4 personnes, et il nous faut entre 6 mois et 1 an de travail pour véritablement penser le projet, lancer la comm’, les partenariats, etc. Et là il faut se reconcentrer, redoubler d’efforts et renouveler le travail en potentiellement 1 mois.
C’est le branle-bas de combat aussi bien côté agents, artistes, partenaires, car c’est toute une économie qui est déjà très fragile en temps normal et qui se retrouve pas loin du K.O. »

Des aléas parfois ingérables
Bien que la situation soit inédite, les festivals doivent composer souvent avec des contraintes qu’ils ne maîtrisent pas. Quand on lui demande s’il voit des solutions pour améliorer la gestion de crise, il est plutôt pragmatique.
« C’est délicat car il y a énormément de facteurs liés à l’organisation d’un événement qui peuvent venir parasiter la tenue et/ou la réussite d’un évènement comme ne serait-ce que la météo pour un événement en plein air. Trop de pluie, trop de vent et hop c’est fini. Pour la petite anecdote, l’année dernière par exemple on a eu la tempête Miguel qui a renversé toute la déco et scénographie la veille de l’événement. C’est le genre de truc que l’on ne peut pas contrôler, mais en tant que organisateur c’est ton boulot d’être réactif et d’assurer la sécurité du public que tu accueilles.
Des cas particuliers comme ça il y en a des dizaines si ce n’est des centaines, on ne va pas tous les citer mais c’est pour t’expliquer qu’il peut y avoir énormément de facteurs qui peuvent venir embêter les producteurs d’évènements en temps normal et pour le coup, une pandémie c’est inédit pour tous les acteurs culturels, à qui je souhaite par ailleurs beaucoup de force pour les prochaines semaines… »
Les soirées et concerts également touchés
Partons maintenant à la rencontre des soirées clubs qui font battre la vie nocturne chaque week-end. Rencontre avec Thibaud Moussel, organisateur des soirées bass music Get In Step et Composite sur Paris et Lyon. Il officie notamment dans une agence de production nommée Ohlala. Il fait avec nous l’état de sa situation, mais qui est semblable à bien d’autres acteurs :

« Tous nos événements se sont vus annulés jusqu’à nouvel ordre comme l’ensemble des événements sous la jauge de 1000 personnes le vendredi 13 mars. C’est quelque chose qu’on redoutait en voyant la situation sanitaire et les restrictions tomber les unes après les autres. On est en pleine incertitude. En tant qu’indépendants, à notre échelle perdre 3/4 dates d’un seul coup c’est un coup dur ! Dans ces moments-là tu réfléchis à plein de choses : comment se sécuriser ? Changer des choses ? Quand reprendre ? Du coup dans la même veine les perspectives d’avenir sont fragiles pour énormément d’entreprises dans le spectacle aujourd’hui. De notre côté on sera de retour c’est une certitude, mais quand ? C’est la question que tout le monde se pose ces derniers jours pour déplacer les artistes de tous les concerts annulés. »
Personne ne sait combien de temps tout cela va durer et il est donc très dur de prévoir en conséquence.
Des alternatives pour soutenir les artistes ?
Le manque à gagner est énorme pour artistes comme techniciens et organisateurs. Thibaud préfère cependant relativiser et se focaliser sur le positif.
« Étonnamment, je ne retire pas que du négatif de la situation de notre côté. Je pense qu’il faut être de tout coeur avec les soignants, j’ai des potes infirmiers qui eux ne dorment plus. Alors on peut être frustrés et énervés face à nos pertes, la précarité de notre situation. Mais n’oublions pas que notre seul devoir est d’attendre.
Le positif de la situation dont je parlais c’est que j’assiste à une grande créativité de la part de toute la scène. On voit des concerts en LiveStream un peu partout. Des artistes qui créent leur compte Patreon, Twitch et autres plateformes. Ceci, pour partager que ce soit avec un dj set ou des conseils sur la production musicale. Je pense que chacun réfléchit à de nouvelles sources de revenus.
Et cela offre une vague de fraîcheur dans une économie qui pouvait être parfois trop conventionnelle dans le fond.
On travaille nous-mêmes sur une communauté actuellement, avec de nombreux artistes. Elle est centrée sur le côté éducatif et la production musicale. C’est donc en plein milieu du confinement qu’on assiste à un maximum d’échange entre les fans et les artistes et je trouve ça merveilleux.

J’espère que les événements vont permettre à chacun de se réinventer et d’inventer de nouveaux modèles économiques. »
Comment améliorer la gestion de la crise et se préparer aux prochaines ?
« Grande question ! Ce sont des événements sans précédent qui mettent le régime intermittent en péril en France. Et cela à cause du nombre d’heures à faire sur l’année qui va être dur à atteindre pour beaucoup de personnes… Il faut penser qu’au niveau global c’est une grande précarité, pour les équipes de centaines de milliers d’événements à travers le monde. J’espère donc qu’on verra une politique des gouvernements qui protégera l’événementiel, le spectacle et que les assurances se cacheront moins que cette fois.
Pour info, les pertes du 5 mars au 31 mai sont estimées par Prodiss (un syndicat) à 250 Millions d’Euros sur le secteur du spectacle en France. On est un pays vivant, avec énormément d’événements, faisons en sorte de les sauver ! »

Malgré la situation, Thibaud, Gaspard, comme tous les organisateurs d’événements restent des passionnés qui ne perdent pas espoir. Merci donc à eux pour leur témoignage ! La musique et la solidarité nous aideront à passer cette épreuve.
Pour soutenir tous les acteurs du milieu, vous pouvez acheter de la musique sur Bandcamp, soutenir les artistes sur Patreon, aider les soirées et festivals en reportant vos demandes de remboursement, faire des dons, ou encore participer aux sessions virtuelles des concerts et dj sets.
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