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Les artistes féminines au sein de la bass music : Miss Leïa

Celle qu’on appelle “la princesse de la drum & bass toulousaine”, Miss Leïa, a de nombreuses cordes à son arc :  dj, mais aussi danseuse de formation et chorégraphe, fondatrice du collectif Dusk DnB, représentante française du nouveau label international YUKU et membre du crew exclusivement féminin drum & bass express Girls. Pour LOFI, Miss Leïa détaille son parcours d’activiste engagée dans la jungle/drum & bass, et livre un mix en exclusivité. 

Tu as un parcours très varié (djing, danse, événementiel). Tu peux nous décrire tes expériences et ce qui t’a poussé à t’investir dans ces domaines ?

J’ai d’abord commencé par la danse contemporaine au conservatoire. C’était très strict et codifié, et quand je voyais des breakdancers, ça me faisait envie. Je me suis donc tourné vers le hip-hop et le break. À mes 17 ans j’ai découvert les teufs et j’ai tout de suite été attiré par ce milieu. J’étais très attirée par tout ce qui était underground. Un jour j’ai entendu un morceau de drum & bass en teuf et j’ai su que c’était ça que je voulais faire. Je ressentais cette musique à l’intérieur de moi

 À l’époque je vivais dans un squat et je me suis acheté mes premières platines. C’est comme ça que j’ai commencé à mixer.Je n’ai pas délaissé la danse pour autant et j’ai co-fondé une école de Danse (Doublé fée).J’ai ensuite intégré le label international Methlab Recording en étant dj résidente et en m’occupant aussi du booking des artistes. L’événementiel, ça à commencé plus tard

Donc tes deux grandes passions sont le hip-hop et la bass music. Quel rapprochement fais-tu entre ces deux univers ?

Je pense que le hip-hop et la bass music sont intimement liés. Les blocs parties du hip-hop ressemblent beaucoup aux sound systems jamaïcains, et si tu accélères un rythme de hip-hop, tu te retrouves avec un morceau drum & bass. Quand je vois des danseurs hip-hop en soirée dubstep, je kiffe ! Quand les cultures underground se rejoignent, c’est juste génial. Dans ce milieu-là, la culture ne vient pas des institutions, mais des gens. C’est pas la même chose de payer une place pour voir un artiste qui est passé par le conservatoire que de voir quelqu’un sortir ses enceintes et ramener ses potes.  C’est ça la culture populaire, et c’est ça qui rassemble les gens.

Comment arrives-tu à gérer tes différentes carrières en même temps ? T’est-il arrivé de devoir renoncer à certains projets ?

J’essaye au maximum de gérer tout de front. En règle générale, je fais confiance à la vie, et ma blessure au genou m’a permis de me consacrer beaucoup plus à la musique qu’à la danse par exemple. Je compose avec ce qui se passe. Avant je me disais que je n’étais pas à fond dans chaque domaine puisque j’avais beaucoup d’autres choses à faire. Je me disais “si je dansais moins, je pourrais mixer plus”, et inversement. Mais je ne pouvais pas faire de choix, ni me focaliser sur un domaine. Et justement, c’est ça qui m’a fait avancer, car toutes mes activités sont reliées. Si j’avais fait autrement, je n’en serais pas là aujourd’hui. 

Source : Facebook – Miss Leïa

Quelles sont les principales difficultés que tu as pu rencontrer lors de ton parcours ? 

Je n’ai jamais vraiment eu de difficulté, car comme je l’ai dit, je fais confiance à la vie. Si quelque chose ne se fait pas, c’est que ça ne devait pas se faire. Il faut faire avec, et travailler. Donc on ne peut pas vraiment dire que ce sont des difficultés.

« Ce que je veux, c’est que des filles plus jeunes puissent se dire « si elle en est là, pourquoi pas moi »

Le fait d’être une femme dans ces milieux a-t-il été un problème pour toi ?

Personnellement, Je n’ai jamais vraiment souffert de discrimination parce que je suis une femme. J’ai toujours été bien accueillie par les garçons, que ce soit à la danse ou avec les dj’s on s’entraînait tranquille, dans une bonne ambiance, et ils étaient contents de me donner des tips. Puis les choses se sont faites naturellement, j’ai créé les espaces dans lesquels j’avais envie d’évoluer et de travailler.

As-tu remarqué une évolution de la place des femmes lors de ta carrière ? 

Je ne suis pas dans le militantisme féministe donc je ne m’en suis pas trop préoccupé, mais j’aime montrer qu’une femme peut occuper cette place. C’est pour ça que j’ai fondé le collectif féminin HertZ’Hyene à Toulouse en 2014. J’ai remarqué qu’il y a de plus en plus de filles dans le milieu, mais ça n’était pas le cas à l’époque. Ce que je veux, c’est que des filles plus jeunes puissent se dire “si elle est là, pourquoi pas moi”

En tant qu’ambassadrice de YUKU et dj internationale quel est ton point de vue sur l’évolution de la drum & bass ?

Avant, la jungle/ragga-jungle était ce qui se faisait principalement, parce que le matériel utilisé donnait ce type de sonorités. Avec l’avènement de la technologie et des logiciels de production, on a pu faire évoluer ces sonorités et développer tous les sous-genres de la drum & bass.

Aujourd’hui, la scène drum & bass est hyper variée, mais selon les genres le public est très différent. Une soirée jump-up n’a rien à voir avec une soirée deep par exemple.

Et sur la scène drum & bass Française ?

Malgré des labels très actifs comme Hyperactivity, Impact ou encore Vandal et de très bons artistes qui s’illustrent à l’international (Visages, Monty, Redeyes, Redpill, The Caracal Project etc), le mouvement ne prend pas vraiment de mon point de vue. En Angleterre c’est différent, c’est dans leur culture. Dans les pays de l’Est, la neuro est très présente. Mais chez nous, ce n’est pas une musique “grand public”, donc il y a un risque pour les clubs en accueillant ce genre de soirée.

C’est pour ça que tu as monté ton association Dusk DnB ? 

Dusk, c’est vraiment une histoire de potes. J’avais l’habitude d’organiser plein de soirées avec différents crews. À l’époque je jouais beaucoup de neuro, et j’ai eu un plan pour faire venir Agressor Bunx. Je voulais juste me faire un kiff, et avec les gars de Visages, on a blindé La Dynamo à Toulouse. Ça a commencé comme ça, en 2015. 

Je n’avais pas de but vraiment précis parce que je savais que je ne pouvais pas en vivre. Je ne voulais pas non plus faire des soirées tous les weekends, parce que selon moi, si tu en fais trop, ça commence à devenir classique et c’est ça qui tue le mouvement. En fait, je voulais juste que les gens kiffent et faire jouer les petits artistes.

Un grand merci à Miss Leïa d’avoir répondu à nos questions et de nous avoir concocté un mix spécial.

LOFI · LOFI MIX 13 – Miss Leïa

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