Se lancer et créer son propre label. Un rêve pour certains, un réel projet pour d’autres. Mais partir de zéro en étant indépendant n’est pas chose aisée : par où commencer ? Comment bien se démarquer ? Antho Cornélius, créateur et gérant du label dubstep Electronyze Me démystifie le sujet et nous partage ses expériences.
Pour la petite histoire, Electronyze Me est un label bass music français, résolument orienté dubstep créé en 2016. Il gère entre autres les artistes Doctor Frenesy, Droflam, Dryskill, Abimanyu, Nightbird et Shynee.
Tu peux nous raconter la genèse du projet, pourquoi tu as pris la décision de créer ton label?

Ça a commencé il y a 4 ans, en 2016. J’étais à fond sur la musique et j’avais l’habitude de créer des playlists sur les plateformes de streaming. Je voulais faire en sorte que des artistes que j’aimais aient une meilleure visibilité, et même si c’était pas grand-chose, c’était déjà mieux que rien. J’ai eu de bons retours sur mon initiative, et un jour je me suis dit que je pouvais faire plus que ça. C’est de là qu’est venu l’idée de créer un label, pour être plus présent aux côtés des artistes et non plus de simplement partager des sons. J’ai tout appris sur le tas, en regardant comment les autres faisaient et ma principale ambition, c’est de me dire que j’ai pu faire progresser un artiste.
Comment j’ai trouvé le nom ? Un jour, j’étais dans mon salon, j’écoutais de l’électro. Une émission à la télé m’a fait penser au verbe “électrocuter”, j’ai voulu créer une sorte de jeu de mots avec et je l’ai mis en anglais, même si ça ne veut strictement rien dire (rires)
Tu gères la totalité du label seul. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Disons que j’ai toujours eu peur de m’associer avec les mauvaises personnes. Après, il y a des gens qui m’ont aidé, conseillé… Mais Electronyze Me, je l’ai toujours considéré comme un petit bébé qui ne grandit pas, alors que pourtant il est en pleine expansion. Comme un père qui ne verrait pas son enfant grandir. Mais c’est en train de changer, sinon le projet ne pourra pas évoluer comme je le voudrais. A ce stade, c’est vraiment nécessaire. Si le label doit monter en puissance, c’est par la richesse humaine.

En quoi consiste le plus gros du travail ?
On ne va pas se mentir, la plupart du temps, c’est beaucoup de paperasse, d’envoi de mails…ça ne fait pas rêver de prime abord. J’envoie des centaines de mails par jour ! Pour la promo, pour être sur les plateformes, pour des médias, des chaînes Youtube… Il faut aussi aller à la rencontre des organisateurs d’événements, et établir des partenariats. En fait, le boulot d’un label est un peu comme celui d’un manager, en plus complet.
L’objectif, c’est d’avoir une progression, que les artistes que je défends puissent se rémunérer en faisant leur musique
Et sur le plan financier, ça se passe comment ?
Pour l’instant, on fait très peu de revenus. Pour faire de l’argent en utilisant uniquement le streaming, c’est compliqué. Il faut vraiment bien connaître le fonctionnement des plateformes, avoir une bonne équipe de management et être bien placé sur des playlists. Mais je pense que cette année on aura la possibilité de générer un peu plus de revenus, il y a déjà de très bons retours sur les morceaux. J’investis aussi personnellement sur toutes les sorties du label. L’objectif, c’est d’avoir une progression, que les artistes que je défends puissent se rémunérer en faisant leur musique.

@Pierre Bellanger Creation
Comment sélectionnes-tu tes artistes ?
Au tout début, je ne faisais aucune sélection, et j’ai accepté beaucoup de démos. Je voulais vraiment aider tous ceux qui m’envoyaient leurs morceaux, ce qui fait qu’en termes de qualité, c’était pas toujours au point. Ça m’a pas mal joué des tours.
Aujourd’hui, on est à mi-chemin entre un label fermé et ouvert. Si je reçois un morceau dont la qualité est incroyable, il y a de fortes chances qu’il soit signé, mais je privilégie les sorties en interne, de même que les collabs ou les remix. Ça n’empêche pas les artistes Electronyze Me de sortir ailleurs, il n’y a pas de contrat d’exclusivité. Mais pour être signé aujourd’hui, il faut vraiment que l’artiste se démarque au niveau du soundesign, de la qualité de la production et il doit proposer un contenu fini. Il y a plus de restrictions pour limiter les mauvais choix sur les releases, et je préfère la qualité à la quantité.
Je fais en sorte que chaque release raconte une histoire, et de donner à chaque morceau un côté “collector”
Tu as une direction artistique précise ?
J’essaye surtout d’apporter de la diversité. Chaque artiste a sa patte, et évolue dans son propre genre. Dryskill par exemple, surfe sur une tendance dubstep et synthwave, alors que Nightbird a plus un côté métal. Abimanyu apporte sa vision très personnelle du dubstep, et Droflam mélange dubstep et poésie japonaise. Dr Frenesy s’est révélé très talentueux en drum & bass. Shynee quant à lui, est assez versatile et s’inspire un peu de tout ce qui bouge. Comme chacun est unique, il n’y a pas de doublon, et les collabs en interne n’en sont que meilleures.
Au niveau des artworks, j’essaie vraiment de créer une identité visuelle bien reconnaissable. J’ai choisi de m’orienter sur des visuels très noirs, mais avec toujours une petite touche de couleur qui fait la différence. Je fais en sorte que chaque release raconte une histoire, et de donner à chaque morceau un côté “collector”.
Ta plus grosse réussite depuis la création d’Electronyze Me ?
La plus grosse réussite a été sur le morceau Shaking Down de Datawave. J’ai commencé à travailler avec lui par hasard, le début d’une longue collaboration. On a énormément travaillé sur la promo de ce titre-là, et ça a été un truc de dingue. Sur Youtube, on a dépassé allègrement le million d’écoutes, sur Spotify 280 000…
Portés par la vibe, on a décidé de faire un clip. Datawave a été ensuite booké pour une soirée à Paris organisée par Chwet Production avec Borgore, Spag Heddy…et le public a adoré. Avec tout l’emballage qu’il y a eu autour de ce morceau, on peut dire que c’est ma plus grosse fierté sur le label. Il est encore streamé tous les jours !
Des conseils à donner à ceux qui veulent se lancer mais qui n’ont pas forcément d’expérience ?
D’abord, renseignez-vous bien avant de vous lancer. Il y a pas mal de choses à savoir tant sur le fonctionnement du label, que sur la manière de le diriger. Aussi, faites un label qui vous ressemble. Monter un label c’est une chose, le tenir en est une autre.
Parfois, on a envie de tout lâcher parce qu’on a l’impression de pas réussir. Mais c’est juste que vous avez pas pris le bon chemin. Alors surtout, ne baissez pas les bras. Et enfin, n’hésitez pas à vous renseigner auprès de personnes qui ont deja monté un label. Certains ne vous répondront pas, mais d’autres pourront vous aider. Chaque info que vous pourrez obtenir pourra vous être précieuse.
Merci à Anthony Cornelius pour ses réponses sur la gestion de son label Electronyze Me.
Une réponse sur « Gérer son label en étant indépendant : l’exemple d’Electronyze Me »
[…] première approche du dubstep a été par mon père. Il m’a fait découvrir un remix des Daft Punk par Nero. À […]