John Bringwolves sera certainement l’une des meilleures découvertes de l’année. Compositeur, musicien, chanteur, sound designer, ingénieur du son. Ce génie de la musique mixe guitare funky-blues, synthés électro-ambiants et boîtes à rythmes uptempo pour des résultats poignants. Entre voyage onirique et d’improvisation, ce sont des instruments numériques et analogiques, échantillons du passé, des sons de la rue, du quotidien et une touche de psychédélisme et intensité émotionnelle qui font sa réussite, son art musical personnel et visuel.

John Bringwolves est l’un de ses artistes que l’on aime tant écouter chez soi que sur scène
Génie du son, savant aussi bien jouer, produire, assembler, que se laisser aller et chanter, il s’agira sans doute d’une des meilleures pépites de l’année. Italien ayant commencé tôt la musique et d’abord en groupe (notamment Euphoria) dans le rock, blues, il lance sa carrière solo depuis peu, pour de énièmes nouvelles aventures.
Sachant pertinemment composer l’électro avec moultes autres influences et cultures, John Bringwolves est pour nous ce nouveau magicien du son, producteur de nouveaux paysages sonores surréalistes. Entre fines ambiances tantôt experimentales, folk, electronica, house, ambient, ‘Sassy Goose’ sera son premier album qui sortira mi-mai. Voici Feel, un avant-goût tout aussi passionnant que l’interview qui suit.
« Voici le début et extrait de l’histoire d’une oie bien culottée qui prend conscience de ses sentiments et émotions et qui découvre le pouvoir qui en découle. »
John Bringwolves
Feel, le premier extrait du futur album de John Bringwolves, chargé d’histoires
Feel a été produit au travers d’une boucle de batterie et de basse. Le Yamaha Reface a joué un rôle clé dans cette production. Un sacré synthé qui offre à ce titre une ambiance chaude et bien combinée aux chœurs. L’artiste en est venu à jouer entre des voix brisées et aiguës à l’image d’une oie, avec les fréquences variées mélangées au synthé pour donner plus d’horizon et puissance à la mélodie centrale.
Un morceau de la même trempe que Jon Hopkins, où John Bringwolves a désiré transmettre une part des émotions qu’il a eu suite à la mort de son père. Un soutien manquant dans sa vie de tous les jours, une distance qui s’élargit avec d’autres membres de sa famille aussi décédés.
Malgré le vide, l’artiste tient à rappeler que cela ne conduit en rien à l’absence de sentiments
« Qui le veut continue pour toujours ». Un ami cher m’a cité cette phrase de Montale et j’ai été frappé car c’est exactement ce que je ressens. Ce sentiment de remplir et d’imprégner les gens qui vous entourent au point que lorsque vous n’êtes plus là, vous devenez infini.
Un clip non dénué d’implication forte, autant personnelle que professionnelle
Le clip réalisé pour Feel nous plonge hors du confinement pour découvrir un monde plus abstrait. Afin d’accentuer la notion de « distance », le spectateur et la caméra sont en permanence gênés par divers mouvements et paysages à l’envers.
Nous avons cherché à matérialiser le sentiment de ne jamais atteindre une destination. Avec cet effet de ralenti en marche arrière. Le sentiment de conduire sur une route à l’envers et d’entrer dans un paysage miniature a été construit avec l’intention d’entrer dans une visualisation enfantine de l’environnement.
Un entretien passionnant avec l’artiste ingénieux et sensible John Bringwolves
John Bringwolves : pour moi il est essentiel de savoir ce qu’est la musique, au travers du rythme. Je me rappelle quand j’étais jeune, j’avais pour habitude de prendre des leçons de percussions avec quatre autre enfants. Notre professeur insistait toujours sur les efforts et coopération collectifs qu’il fallait mettre dans le rythme. Ainsi que savoir partager nos pulsations. Pour nous encourager à nous baser sur notre instinct personnel du sens du rythme, il nous disait « n’hésite pas, fais des erreurs ». Ce n’est que des années après que j’ai réalisé l’importance de se laisser aller et de ne pas avoir peur de se tromper dans le son. C’est important pour apprendre à expérimenter le tempo en musique, d’une manière plus détendue, plus focus sur la notion du groove. Par conséquent j’ai appris à jouer de plein d’instruments de percussions : d’objets à matériaux divers et variés en groupe. J’étais dingue des Stomp et en fait de la plus part de leurs morceaux rythmés de leur album Tum Tribù. Qui fut finalement le nom de mon premier groupe. Nous étions environ 20-25 percussionnistes de tout âge et j’avais 10-12 ans. On s’amusait avec des bidons d’essence en cercle, on tapait dessus avec des bâtons de bois très épais. C’était comme faire parti d’une tribu métropolitaine. J’ai commencé la batterie après deux ans de batterie plus classique. Mais je me suis rendue compte que ce n’était pas l’instrument qui me permettait de donner le meilleur de moi-même. La guitare m’a alors interpellé pour un temps. Peut-être à cause du collège, des jams sessions que je faisais à l’époque avec des amis. Le film The Blues Brothers, la musique de Joni Mitchell, Eric Clapton et un disque de Stevie Ray Vaughan m’ont rendu totalement fou de guitare blues-funky. Je suis donc passé de la batterie à guitare classique, puis acoustique et électrique. Je passais des heures à jouer et improviser a toujours été un plaisir. Les principales sources de mon addiction pour la guitare étaient Jimi Hendrix, John Frusciante, Mark Knopfler, Leo Kottke, Prince et Pat Matheny. Il y a eu une période dont je me souviens très bien, où j’avais l’impression d’avoir de la colle sur les mains. Dès que j’avais fini de manger, je faisais une session d’une heure avec ma sœur qui chantait avec moi. Au début ce fut bien dur. J’avais l’habitude de faire de la musique, d’arranger mes morceaux de rock avec plusieurs personnes. J’ai beaucoup suivi des mélodies et je n’ai principalement écrit que des parties de guitare qui s’accordaient avec les autres instruments. J’ai toujours eu l’impression que ce truc me collait à la peau, je ne pouvais pas accepter les règles strictes de la pop classique. Ni l’utilisation réduite de timbres, d’instruments ou de structures différentes. Plus tard je me suis détaché de mon groupe et j’ai commencé à collaborer avec des producteurs ou à jouer sur des backing tracks électroniques. Entre-temps, j’ai essayé de produire de la musique sur un iPad, presque pour le plaisir. J’étais attiré par l’enregistrement, la production et la création de sons par le biais d’un ordinateur. J’ai senti que la possibilité de mélanger la musique live avec la musique électronique était la voie que je voulais suivre. Le faire seul n’était pas facile mais c’était fondamental car j’avais besoin de m’exprimer au travers de tous les instruments que j’ai pu testé. Tout en allant dans une seule direction. Être seul est horrible quand on a des doutes. C’est plus facile quand on a une idée précise. Au cours de cette dernière année, je me suis peut-être retrouvé avec le problème d’avoir trop de matériel enregistré et sauvegardé en brouillons. Ce fut pénible de recommencer à travailler dessus. Il est parfois fatigant de se rendre capable d’avoir l’esprit bien clair. Ou bien avoir du recul nécessaire, qui parfois s’acquiert plus vite quand tu es entouré, en ce qui concerne les projets que tu as pu commencer peut-être 6 mois plus tôt. D’un autre côté ce qui est merveilleux, c’est que si j’ai une idée, en une nuit en studio je peux terminer par moi-même toute la chanson. Le temps que j’ai passé avec Entropia a été l’expérience musicale la plus riche et la plus formatrice que j’ai pu faire. Avec beaucoup de concerts, j’ai appris à jouer de la guitare en synchronisation avec d’autres instruments, à arranger de la musique. Et surtout, nous sommes passés par des étapes primordiales qui ont exigé une attention particulière aux détails. À cette époque, je me suis dit que la musique devait jouer un rôle central dans ma vie. Je ne sais pas si on peut considérer cela comme une réelle carrière, mais en tout cas je n’aurais jamais abandonné cet aspect de ma vie. Mon père est décédé il y a environ deux ans. Ce fut dans ce moment le plus sombre de ma vie, où j’ai peut-être fait le choix le plus clair de ma vie. Je n’ai plus eu à hésiter, mais à accélérer et à essayer de donner une forme plus précise à mes projets. De les concrétiser plutôt que de les faire naître seulement dans ma tête. Le premier morceau « In my head » est exactement ce que je ressentais à ce moment-là. Le besoin de réaliser ce que ma propre musique tonnait dans ma tête. Sans m’éparpiller dans d’autres projets, des groupes ou à arranger la musique des autres. Avant que tu sois devenu John Bringwolves, tu as expérimenté bien de choses intéressantes. Que ce soit dans le court-métrage, documentaires, donner de la vie et musique à des objets. Des collaborations avec un dj au scratch, guitare, saxophone. En produisant de l’électronique avec un ipad, ta formation au Gamma Institute, un voyage au Chili. Il y a tellement à dire, ces expérimentations expliquent alors la diversité d’influences, textures, instruments et rythmes dans tes productions. J’ai fait un voyage d’un mois au Chili qui a totalement changé mon sens de « l’audition occidentale standard » que j’avais jusqu’alors. Les sons sud-américains ont résonné dans ma tête pendant longtemps. J’ai par la suite déambulé dans les clubs, dansé, respiré au travers des gens qui ont tourbillonné autour de moi. La culture du clubbing à Turin, même si elle est petite et intime dans la vie quotidienne, est très à l’internationale. Surtout à l’occasion de grands festivals comme le Kappa Futur Festival, C2C, Movement, etc. J’ai été influencé par ceux-ci et par toutes les petites sociétés qui promeuvent la musique électronique. Avant je ne pensais à la musique que comme quelque chose à écouter. Après 6 ans à Turin, je pensais à la musique principalement pour danser. Pour nous, on dénote parfois une touche de psychédélisme dans tes productions. Que ce soit avec ton côté rock, tes vagues électroniques, ton imaginaire porté sur les voyages…. Je produis généralement la nuit. Je m’enferme dans le studio et je me défonce. Parfois je fume, parfois je bois, parfois je suis sobre, parfois défoncé. Mais la question n’est pas de savoir à quel point vous vous droguez. Je n’ai jamais été dépendant à la drogue ou autre consommation pour composer. Heureusement, ou du moins pour l’instant. Mais je suis détendu à ce sujet. Car c’est aussi un peu thérapeutique pour moi. J’ai une phase que j’atteins après 2/3 heures en studio. A ce moment-là je suis plongé littéralement dans ma musique, à l’écart du reste. Je ne suis que le flux de ressentis, d’idées qui me vient en rapport qu’avec ma musique. Toujours avec ce réflexe de me laisser aller sur les « bonnes erreurs » que je peux faire, cela m’emporte dans une dimension totalement nouvelle. Cela m’emmène dans une dimension totalement nouvelle, détachée de la réalité. Je ne suis pas rationnel quand je compose, je vais et j’enregistre sans trop programmer. Il y a du psychédélisme là-dedans. Puis dans les jours qui suivent, je réarrange les choses qui sont sorties la veille. Bref, c’est un peu un équilibre entre la dévalorisation nocturne et le ménage quotidien de notre vie. Oui, cela fait environ un an que j’ai commencé à ressentir le besoin de chanter au lieu d’utiliser des samples. Les morceaux me semblaient être ceux de quelqu’un d’autre lorsque les voix étaient prises ailleurs. Cela m’aide à mieux rentrer dans le morceau même avec l’instrument le plus intime de tous. Pour l’instant, je chante quelques phrases. J’aime jouer avec elles et les ré-affecter, les pitcher ou les inverser. Comme c’est toujours ma principale influence, je suis toujours très attaché au monde du jazz et du blues. Peter Gabriel, Wilco, Queens of the Stone Age, Paolo Nutini, je suis fou du bassiste des XX et de Radiohead évidemment. J’ai choisi l’oie comme un moyen de chérir/remémorer une rencontre cathartique ou divine que j’ai eu avec une oie. Cela s’est produit près d’un lac durant ma petite enfance. A première vue, mon instinct m’a dit que la créature était docile et inoffensive. Mais à ma grande surprise, lorsque je m’en suis approché elle m’a mordu la jambe. Comme on peut le supposer, cet événement m’a traumatisé. Cette rencontre a été récurrente dans les étapes ultérieures de ma vie. Au point que son apparence est devenue une fascination. Apparemment si calme et tranquille, mais ensuite coléreux et grincheux. Sous-estimée dans le domaine des oiseaux car elle est dépeinte comme la version peu cool du cygne, l’oie est alors prise moins au sérieux. J’ai pensé que c’était la mascotte parfaite pour l’album. Aussi parce qu’elle reflète un peu l’âme des chansons, certaines plus à l’aise, calmes et paisibles. D’autres avec un ton plus agressif et « grincheux ». L’oie grincheuse se matérialise alors comme la tentative d’évoquer mes souvenirs d’enfance tout en créant les fondations et les racines du chemin qui a mené à la création de mon premier album.Lire l’interview
LOFI | Hello John, pouvez-vous nous raconter quel a été votre premier attachement à la musique ?
Vous avez touché à la guitare électrique, percussions. Qu’est-ce que la musique vous apporte ?
Tu as déjà joué dans des groupes. Cela fait quoi de se lancer dans sa propre carrière, seul ?
Quels étaient donc tes plaisirs quand tu étais en groupe et maintenant depuis que tu es seul ?
Tu as pas mal vécu et parcouru de choses avec le groupe Entropia. Cela a joué dans ton parcours non ? En fait, quand as-tu décidé de te lancer seul avec John Bringwolves, pourquoi ?
Quels sont les événements, souvenirs, rencontres qui ont impacté la création de ton projet John Bringwolves ?
Peux-tu nous éclairer sur tes sources d’inspiration quand tu te mets à composer ?
Tu chantes aussi dans tes morceaux. Tu fais tout par toi-même ! Comment en es-tu venu à chanter ?
Au final, pourquoi une oie pour ton single FEEL ?
Le 16 avril sort Run, son second single à la suite de FEEL, le 7 mai, le vinyle Sassy Goose en 200 éditions limitées, le 14 mais, c’est son album entier Sassy Goose qui sort en version digitale uniquement.
Merci à John pour cet échange humain et artistiquement très enrichissant, on a déjà hâte de se procurer son album entier.
Suivez l’artiste, ici.